Une étude menée dans certains États américains ayant légalisé la marijuana laisse croire que la consommation de cannabis mène directement à celle des drogues dures. Doit-on craindre le «phénomène passerelle» au Québec? Entrevue avec le spécialiste des drogues Jean-Sébastien Fallu.
Le journaliste de La Presse, Mathieu Perreault, a écrit dans un article qu'une étude américaine - qui a analysé les comportements de 27 000 adolescents - encourage les autorités de santé publique à «redoubler d'efforts pour prévenir la consommation de drogues dures et aider ceux qui y sont accros».
Pourquoi? Dans les États qui légalisent le cannabis médicinal, la consommation de cocaïne aurait augmenté de 60 % et celle d'héroïne, de 160 %.
Est-ce qu'on peut en effet déduire qu'une exposition prolongée au cannabis peut mener plusieurs personnes à consommer de la cocaïne ou encore de l'héroïne?
Bien qu'il ait tenu à nuancer les résultats de cette enquête, Jean-Sébastien Fallu, spécialiste des drogues à l'Université de Montréal, est d'avis que les autorités de santé publique canadiennes devront porter une attention particulière à cette possible augmentation de la consommation de drogues dures.
«L'étude ne tenait pas compte de l’effet d'escalade, ou l’effet passerelle. C’est l’une des hypothèses avancées. C’est important de nuancer le résultat trouvé dans cette étude. Les chercheurs n’ont pas suivi la situation dans le temps. […] Cette théorie de l’escalade, qui existe depuis 1979, est très populaire, mais elle a peu de soutien au niveau des données. Dans les faits, c’est une minorité qui progresse… Mais, c’est certain qu’il y a une séquence. En consommant des produits à l’adolescence, ça peut nous mettre en contact avec des gens qui proposent d’autres produits.»
Selon M. Fallu, environ 25 % des consommateurs peuvent progresser d’un produit à un autre plus dur. Ainsi, ils peuvent consommer de la marijuana et ensuite tenter une autre drogue.
«Il y a rarement un seul portrait, une seule trajectoire. Mais, on sait que certains facteurs augmentent les risques de problèmes et de progression vers d’autres substances : les personnes qui ont des problèmes de santé mentale, qui ont vécu des traumatismes, qui ont des risques héréditaires ou encore qui ont vécu dans des contextes de vie de pauvreté…»