WASHINGTON - Le président américain Donald Trump a nommé à la Cour suprême l'influent juge conservateur Brett Kavanaugh, alors qu'il cherche à faire pencher le plus haut tribunal du pays encore plus à droite.
L'annonce a été faite à la Maison-Blanche, lundi soir.
M. Trump a choisi le juge fédéral d'appel de 53 ans pour le siège laissé vacant par la retraite du juge Anthony Kennedy. M. Kavanaugh serait moins réceptif à l'avortement et aux droits des homosexuels que ne l'était M. Kennedy.
M. Kavanaugh doit accéder à la Cour suprême en vertu de la deuxième nomination de M. Trump au plus haut tribunal, après celle du juge Neil Gorsuch. MM. Kavanaugh et Gorsuch avaient agi comme auxiliaires de M. Kennedy durant la même période dans les premiers temps de leurs carrières en droit.
M. Kavanaugh est une figure de longue date de l'establishment judiciaire républicain. Il a été juge à la Cour d'appel fédérale à Washington depuis 2006. Il a aussi été un aide clé de Kenneth Starr durant son enquête sur le président Bill Clinton et a travaillé à la Maison-Blanche durant la présidence de George W. Bush.
M. Kavanaugh a dit au président lundi soir en prenant le micro qu'il était «profondément honoré» d'être nommé pour combler le siège de M. Kennedy. Il a affirmé que s'il était confirmé dans ses fonctions, il «garderait un esprit ouvert dans chaque dossier» et viserait toujours «à préserver la Constitution des États-Unis et la règle de droit américaine».
Le plus haut démocrate au Sénat a affirmé que cette nomination à la Cour suprême plaçait les droits de l'avortement et les protections en matière de santé pour les femmes «sur le billot».
Le leader de la minorité au Sénat Chuck Schumer a soutenu qu'en choisissant M. Kavanaugh, le président Trump respecte sa promesse de «punir» les femmes pour leurs choix. Il a affirmé qu'il combattrait la nomination «avec toutes ses forces».
Plus tôt lundi, M. Trump se délectait du suspense à l'approche de la nomination, prétendant qu'il ignorait toujours qui il choisirait mais qu'«on ne (pouvait) pas se tromper» avec les quatre candidats retenus.
Le président n'avait pas révélé les quatre noms figurant sur sa liste restreinte, mais les candidats pressentis étaient M. Kavanaugh, Raymond Kethledge, Amy Coney Barrett et Thomas Hardiman.
Ce dernier avait presque accédé à la Cour suprême au printemps dernier, mais Donald Trump lui avait finalement préféré Neil Gorsuch.
M. Hardiman entretient une relation plus spéciale avec le président, en tant qu'ancien collègue de la soeur de M. Trump au sein de la Cour d'appel des États-Unis à Philadelphie.
Son parcours aurait pu jouer aussi en sa faveur: il est le premier membre de sa famille à avoir fréquenté l'université et il a décroché son diplôme en droit tout en travaillant en tant que chauffeur de taxi.
Une décision très importante
Selon Rafael Jacob, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM, le choix d'un juge à la Cour suprême «n'est pas une mince affaire».
«On parle vraiment d'une des décisions qui, pour tout président américain, a un impact de façon très, très appréciable à long terme, explique l'expert en politique américaine. C'est une nomination à vie. Si le ou la juge qui est nommé(e) veut servir jusqu'à la fin de ses jours, c'est entièrement possible.»
L'importance de cette nomination est qu'exacerbée par le fait que le juge qui cède sa place, Anthony Kennedy, ne se situait à aucune extrémité du spectre idéologique.
«Ce n'est pas comme remplacer n'importe quel juge», souligne Rafael Jacob.
Le juge Kennedy avait soutenu ses confrères conservateurs dans des décisions majeures sur le droit de vote et le droit de porter des armes, mais il avait aussi fait pencher la balance en faveur du camp progressiste dans plusieurs dossiers de première importance, notamment en matière d'avortement, de droits des homosexuels et de peine de mort.
Si un juge résolument républicain lui succède, le penchant conservateur du tribunal ne s'en verra que consolidé.