L’auteur et professeur québécois Samuel Archibald mène depuis plusieurs mois un combat contre Desjardins Assurances générales, qui refuse de lui verser des prestations d’invalidité associées à une dépression majeure. Il s’est entretenu lundi matin avec notre animateur Paul Arcand.
«Depuis le mois d’août, je mène un combat qui attend dans le détour tous les petits dépressifs ordinaires : celui où, au fin fond d’une vallée obscure creusée en nous-mêmes, il nous faut affronter la mère de toutes les dépressions», écrit Samuel Archibald en introduction de sa lettre publiée dans La Presse+, dimanche.
Il raconte à quel point sa pénible relation avec son assureur mine son moral, qui est déjà salement amoché par une dépression profonde.
«Depuis plusieurs mois, je me bats, avec l’assistance mollassonne de mon service de ressources humaines, contre ma compagnie d’assurances (Desjardins Assurances générales, pour ne pas la nommer) qui refuse de me verser des prestations d’invalidité du régime auquel je cotise depuis mon entrée en fonction à l’UQAM en 2009», écrit-il.
Bien qu’il cotise au régime des employés de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) depuis 2009, Desjardins Assurances générales estime qu’il n’a pas droit à une indemnisation, puisqu’il a, entre autres choses, fait quelques apparitions publiques à la radio et à la télévision, en octobre.
Des apparitions publiques
Samuel Archibald aurait maintenu un minimum d’activités professionnelles, une erreur admise d’ailleurs par le principal intéressé. Or, celui-ci plaide que cette faute n’est pas suffisante pour justifier la décision de Desjardins Assurances générales.
L’assureur est par ailleurs allé plus loin en s’immisçant sur sa page Facebook. Il a notamment découvert que M. Archibald faisait parfois du jogging.
D’autre part, le service de ressources humaines de l’UQAM, toujours selon M. Archibald, lui aurait mis des bâtons dans les roues. Il affirme qu'un ou des collègues de travail auraient déposé une plainte, alléguant que le professeur ne souffrait pas vraiment de maladie mentale...
«À la suite d’une dénonciation émanée de mon lieu de travail, mon assureur a appris que certaines activités que j’organise et anime continuaient à rouler durant mon congé (mes étudiants sont très autonomes) et que je continuais à superviser certains de loin en loin (les étudiants que je supervise deviennent toujours, à un quelconque degré, des amis ; c’est difficile de leur raccrocher au nez)», peut-on lire dans sa lettre publiée ce week-end.
«Partant de là, ils ont ouvert une enquête en bonne et due forme et appris ainsi que j’étais allé lire des poèmes à la radio et niaiser 10 minutes à la télé, parlé à des étudiants de cégep et que j’avais publié un texte dans La Presse pour l’Halloween. Ils ont aussi utilisé ce nouveau truc qui consiste à éplucher les pages Facebook et Instagram de l’assuré afin de démontrer, preuves à l’appui, en cas de poursuite, qu’il n’est pas dépressif : « Regardez, sur cette photo-là, il sourit ; sur celle-là, il s’occupe de ses enfants et semble tout joyeux, sur cette autre-là, il fait du jogging par - 35 °C… Est-ce bien là le comportement d’un dépressif, votre honneur ? »
Luc Bonenfant, directeur du département d'études littéraires de l'UQAM (auquel appartient M. Archibald) a par ailleurs tenu a préciser cette information dans un message électronique envoyé au 98,5 FM : «Aucune plainte ou allégation à l’effet que M. Archibald ne souffrait pas vraiment de maladie mentale n’a été faite au département [d'études littéraires].»
En définitive, Samuel Archibald indique qu’il paye le «gros prix» pour un épisode de maladie mentale, comme beaucoup d’autres personnes au Québec.
Ce dernier est sans revenu depuis octobre 2017. Il a trois enfants et une conjointe. En plus, il doit renouveler l’hypothèque de sa maison cette année.
La réponse de Desjardins
À la suite du tollé provoqué par la publication de la lettre de M. Archibald, Desjardins a diffusé un communiqué de presse dans lequel la Caisse dit sympathiser avec l'auteur.
Voici une partie du texte:
« Desjardins reconnait la maladie mentale comme invalidante et est particulièrement sensible à cette cause. D'ailleurs, comme assureur collectif, nous accompagnons chaque année des milliers de personnes en favorisant d'abord le traitement et la santé, puis le retour au travail en respectant les capacités, les limitations et le rythme de chacun.
Près de la moitié de nos dossiers d'assurances collectives sont des cas d'invalidité et le taux de refus pour les cas de santé mentale se situe sous la barre des 5%. Il est important de souligner que chaque dossier est évalué au cas par cas avec l'assuré, des experts, notamment les médecins traitants et l'employeur.
Desjardins a pris connaissance de la lettre ouverte de Samuel Archibald publiée dans La Presse + le 11 février. Nous sympathisons avec sa situation et, comme ce dossier n'a jamais fait l'objet d'une réévaluation, nous avons rapidement mis en branle un processus de révision hier. Nous allons maintenir les communications avec M. Archibald, de même qu'avec son employeur pour qui nous administrons le régime d'assurance collective.
Cela dit, par respect pour la confidentialité des dossiers de ses membres et clients, Desjardins ne fera pas de commentaires additionnels et n'accordera pas d'entrevues sur le sujet. »