Lorsque l’ancien joueur de l’Impact David Testo a fait son « coming out » après la saison 2011, cela avait fait couler beaucoup d’encre à Montréal. L’histoire de Testo avait même été reprise par plusieurs médias sportifs de partout ailleurs en Amérique du Nord.
Ce n’est pas tous les jours qu’un athlète gay s’ouvre publiquement pour parler de sa réalité. À l’époque, ses coéquipiers chez l’Impact étaient au courant, la direction de l’équipe aussi, tout autant que les journalistes qui couvraient le club, mais le grand public ne l’était pas.
Aujourd’hui c’est l’Office national du film du Canada qui s’intéresse à son histoire. Lui et quelques autres athlètes gays ont accepté de raconter leur histoire dans le but de faire avancer la cause de la communauté LGBT. Le titre du film : «Franchir la ligne».
« J’ai décidé de participer à ce projet dans le but d’essayer de faire changer les choses. J’espère qu’un jour les paramètres changeront dans le monde du sport pour qu’un athlète gay et ses coéquipiers se sentent complètement à l’aise l’un envers l’autre. Car même si je pense que les choses s’en vont dans la bonne direction dans la société en général, surtout ici au Canada, dans le sport, on garde une mentalité archaïque. »
« C’est certain qu’un athlète homosexuel qui se sent à l’aise dans son équipe performera toujours mieux. Ce qu’on voit dans le film, c’est que nous avons tous beaucoup souffert de ça. Nous avons été plusieurs à nous tourner vers l’alcool ou la drogue, à cause du manque de soutien et d’amitié. Quand tu fais ton « coming out », j’estime que 60% des gens ne te voient plus de la même façon. Certaines personnes que tu aimais te rejettent et c’est difficile à accepter. On se sent souvent seul, comme je me suis senti au lendemain de ma sortie, seul à la maison. »
La rencontre avec Nick De Santis
Un jour, David Testo a décidé d’aller voir Nick De Santis, le directeur sportif de l’époque, pour tout lui dire. Il vivait avec énormément d’anxiété et désirait vider son sac.
« J’ai été tellement soulagé de voir qu’il était réceptif. J’ai senti qu’il n’avait aucun problème avec mon orientation sexuelle. Il m’acceptait à 100% comme je suis. Bien franchement, je sentais que les membres les plus importants de l’équipe, c’est-à-dire Nick, Mauro Biello et Joey Saputo n’avaient pas de problème avec mon orientation et ça a été un soulagement pour moi.
« J’ai été chanceux de faire partie d’un bon groupe. Nous avions gagné un championnat ensemble. Je ne peux pas dire assez de bien de notre capitaine Nevio Pizzolitto qui est une personne superbe que je respecte beaucoup. C’était notre leader! J’ai gardé de bons contacts avec certains d’entre eux. Le noyau, qui était formé surtout de joueurs locaux, comme Adam Braz, Mauro Biello, Antonio Ribeiro, Simon Gatti, Patrick Leduc ainsi que les Eduardo Sebrango, Leonardo Di Lorenzo était un excellent groupe. »
C’est lorsque l’Impact a commencé à s’approcher de la MLS que les choses se sont compliquées pour Testo.
« Jesse Marsch est arrivé et plusieurs nouveaux joueurs sont aussi arrivés en essais. De nouveaux joueurs que l’on emmenait pour les tester pour la MLS. C’était les portes tournantes! Peu à peu mes amis quittaient et des nouveaux joueurs s’emmenaient. Cela avait été très mal géré selon moi. C’était le fouillis dans le vestiaire. On ne se reconnaissait plus. Et nous avons connu une année désastreuse. »
En la présence de plusieurs nouveaux joueurs qu’il ne connaissait pas, Testo ne se sentait pas aussi à l’aise. Il explique dans le film que dans le vestiaire, lorsque venait le temps de prendre sa douche, il s’assurait de ne jamais regarder vers ses coéquipiers, pour s’assurer de ne jamais les mettre mal à l’aise.
Il explique aussi que des joueurs refusaient de prendre leur douche en même temps que lui. Certains faisaient exprès pour attendre qu’il sorte, pendant que d’autres gardaient leurs sous-vêtements pendant qu’ils se douchaient.
« Di Lorenzo était mon co-chambreur à l’époque. Et lors de notre dernier voyage de la saison à Atlanta, il était absent à cause d’une blessure et j’ai eu vent du fait que plusieurs des nouveaux refusaient de partager une chambre avec moi. Non, ce n’était pas facile à digérer. »
Testo était convaincu d’être capable de continuer d’aider l’Impact en MLS, lui qui avait d’ailleurs déjà évolué avec le Crew de Columbus dans la grosse ligue.
« J’avais accepté d’être échangé des Whitecaps à l’Impact malgré le fait qu’on venait de gagner un championnat à Vancouver. De Santis voulait m’avoir et il m’avait parlé du fait que le club s’en allait en MLS et qu’il y aurait une chance pour moi d’y retourner. Mais à la fin de la saison 2011, Jesse Marsch m’a rencontré dans son bureau pour me faire savoir qu’il ne me retenait pas. »
C’est à ce moment que Testo a décidé de sortir du placard.
La sortie publique
C’est au micro de Radio-Canada que Testo a décidé de faire sa sortie publique en novembre 2011.
« Je me suis exposé, je me plaçais volontairement dans une position vulnérable. Je venais de dire que j’étais gay à un monde du soccer qui ne l’acceptait pas. Je ne suis pas certain s’il y a un rapport avec ma sortie et ma retraite, mais le téléphone a arrêté de sonner à ce moment-là. De toute façon, ma famille, ma vie, mes amis et mon conjoint étaient tous ici. Je n’avais pas le goût de tout laisser tomber pour aller jouer une ou deux saisons en plus ailleurs en USL ou autre à un salaire insuffisant.
« Je n’en veux pas aux gens de l’Impact qui ne m’ont pas vraiment appuyé suite à ma sortie, ils étaient aux prises avec l’entrée du club en MLS et tout se bousculait pour eux aussi. Ils avaient de plus gros dossiers à gérer que moi. Auraient-ils pu me tendre la main, peut-être bien que oui, mais je ne leur en veux pas. Je sais que les choses évoluent, mais je me demande si aujourd’hui l’Impact aurait agi différemment qu’à l’époque. Les choses ont-elles vraiment évolué dans le vestiaire pour qu’un joueur gay s’y sente plus à l’aise que dans mon temps, probablement pas. C’est pour cela que je m’implique.»
À l’époque, Richard Legendre avait rencontré les médias par politesse, lui qui était extrêmement sollicité par les médias suite à l’annonce de Testo. Mais comme il l’avait bien expliqué, l’homosexualité de Testo n’était pas un élément de nouvelle qui devait être expliqué ou commenté. Il avait ensuite salué Testo d’avoir eu le courage de le faire. Mais c’est envers Testo lui-même que le club aurait peut-être pu offrir un meilleur support. Même si à ce stade-là, il n’était plus officiellement un joueur de l’Impact.
Sa vie aujourd’hui…
Testo, un natif de la Caroline du Nord, a adoré ses 13 années passées à Montréal. Selon lui, c’est une des villes les plus ouvertes d’esprit en Amérique. Il a même appris le français grâce à deux conjoints francophones avec qui il a partagé sa vie lors de ses années ici.
Mais aujourd’hui c’est à Vancouver Island que l’on peut retrouver Testo. Et il y a encore un lien avec l’Impact qui explique sa présence là-bas.
« Je discutais à un moment donné avec Nick de Yoga. Et c’est là qu’il m’a dit que sa belle-sœur possédait plusieurs studios de yoga du nom de Modo Yoga à Montréal. C’est via Nick que je me suis trouvé un emploi avec elle pour enseigner dans ses studios. Et aujourd’hui, je suis déménagé à Vancouver Island pour ouvrir une franchise de Modo Yoga avec elle. Je reste d’ailleurs en contact avec Nick à cause de cela. »
Le film « Franchir la Ligne » sera présenté en primeur à l’Université Concordia (Cinéma Alexandre de Sève) le samedi 30 novembre à 15h. Pour acheter des billets, consultez le lien suivant: http://tickets.image-nation.org/fr/movies/franchir-la-ligne